Un réseau neuronal quantique peut voir des illusions d'optique comme le font les humains. Serait-ce l'avenir de l'IA ?
À première vue, les illusions d'optique, la mécanique quantique et les réseaux neuronaux peuvent sembler être des sujets sans rapport. Cependant, dans une nouvelle étude publiée dans Apprentissage automatique APLJ'ai utilisé un phénomène appelé « tunneling quantique » pour concevoir un réseau neuronal capable de « voir » des illusions d'optique de la même manière que les humains.
Mon réseau neuronal a bien réussi à simuler la perception humaine du célèbre cube de Necker et des illusions du vase de Rubin, et en fait mieux que certains réseaux neuronaux conventionnels beaucoup plus grands utilisés en vision par ordinateur.
Ces travaux pourraient également apporter un éclairage sur la question de savoir si les systèmes d’intelligence artificielle (IA) peuvent un jour véritablement atteindre quelque chose qui ressemble à la cognition humaine.
Pourquoi des illusions d’optique ?
Les illusions d'optique trompent notre cerveau en lui faisant voir des choses qui peuvent être réelles ou non. Nous ne comprenons pas entièrement comment fonctionnent les illusions d'optique, mais leur étude peut nous en apprendre davantage sur le fonctionnement de notre cerveau et sur les défaillances qu'il rencontre parfois, dans des cas tels que la démence et lors de longs vols spatiaux.
Des chercheurs utilisant l’IA pour imiter et étudier la vision humaine ont découvert que les illusions d’optique posaient problème. Si les systèmes de vision par ordinateur peuvent reconnaître des objets complexes tels que des tableaux, ils ne peuvent souvent pas comprendre les illusions d’optique. (Les modèles les plus récents semblent reconnaître au moins certains types d’illusions, mais ces résultats nécessitent des recherches plus approfondies.)
Mes recherches abordent cette problématique avec l’utilisation de la physique quantique.
Comment fonctionne mon réseau neuronal ?
Lorsqu'un cerveau humain traite des informations, il décide quelles données sont utiles et lesquelles ne le sont pas. Un réseau neuronal imite le fonctionnement du cerveau en utilisant plusieurs couches de neurones artificiels qui lui permettent de stocker et de classer les données comme utiles ou non.
Les neurones sont activés par les signaux de leurs voisins. Imaginez que chaque neurone doive escalader un mur de briques pour être activé, et que les signaux des voisins le propulsent de plus en plus haut, jusqu'à ce qu'il finisse par le franchir et atteigne le point d'activation de l'autre côté.
En mécanique quantique, de minuscules objets comme des électrons peuvent parfois traverser des barrières apparemment impénétrables grâce à un effet appelé « tunnel quantique ». Dans mon réseau neuronal, le tunnel quantique permet parfois aux neurones de traverser directement le mur de briques jusqu'au point d'activation et de s'activer même lorsqu'ils « ne devraient pas ».
Pourquoi le tunnel quantique ?
La découverte de l’effet tunnel quantique au début du XXe siècle a permis aux scientifiques d’expliquer des phénomènes naturels tels que la désintégration radioactive qui semblaient impossibles selon la physique classique.
Au XXIe siècle, les scientifiques sont confrontés à un problème similaire. Les théories existantes ne parviennent pas à expliquer la perception, le comportement et la prise de décision des humains.
Des recherches ont montré que les outils de la mécanique quantique peuvent aider à expliquer le comportement humain et la prise de décision.
Certains ont suggéré que les effets quantiques jouent un rôle important dans notre cerveau. Même si ce n'est pas le cas, nous pouvons toujours trouver les lois de la mécanique quantique utiles pour modéliser la pensée humaine. Par exemple, les algorithmes de calcul quantique sont plus efficaces que les algorithmes classiques pour de nombreuses tâches.
Dans cet esprit, j’ai voulu découvrir ce qui se passerait si j’injectais des effets quantiques dans le fonctionnement d’un réseau neuronal.
Alors, comment fonctionne le réseau tunnel quantique ?
Lorsque nous voyons une illusion d’optique avec deux interprétations possibles (comme le cube ambigu ou le vase et les visages), les chercheurs pensent que nous maintenons temporairement les deux interprétations en même temps, jusqu’à ce que notre cerveau décide quelle image doit être vue.
Cette situation ressemble à l'expérience de pensée quantique du chat de Schrödinger. Ce célèbre scénario décrit un chat dans une boîte dont la vie dépend de la désintégration d'une particule quantique. Selon la mécanique quantique, la particule peut se trouver dans deux états différents en même temps jusqu'à ce que nous l'observions. Le chat peut donc être simultanément vivant et mort.
J'ai entraîné mon réseau neuronal à effet tunnel quantique à reconnaître les illusions du cube de Necker et du vase de Rubin. Face à l'illusion en entrée, il produisait une sortie correspondant à l'une ou l'autre des deux interprétations.
Au fil du temps, l’interprétation choisie a oscillé entre les deux. Les réseaux neuronaux traditionnels produisent également ce comportement, mais en plus, mon réseau a produit des résultats ambigus oscillant entre les deux sorties certaines, tout comme notre propre cerveau peut maintenir les deux interprétations ensemble avant de se fixer sur l’une.
Et maintenant ?
À l’ère des deepfakes et des fake news, comprendre comment notre cerveau traite les illusions et construit des modèles de réalité n’a jamais été aussi important.
Dans d’autres recherches, j’explore comment les effets quantiques peuvent également nous aider à comprendre le comportement social et la radicalisation des opinions dans les réseaux sociaux.
À long terme, l’IA quantique pourrait éventuellement contribuer au développement de robots conscients. Mais pour l’instant, mes travaux de recherche se poursuivent.