Les femmes s’intéressent moins à l’IA que les hommes, mais son utilisation les aiderait à progresser au travail
Les femmes utilisent moins que les hommes les outils d’intelligence artificielle générative.
Le Forum économique mondial a récemment publié un article sur le sujet. Il indique que 59 % des travailleurs masculins âgés de 18 à 65 ans utilisent l'intelligence artificielle générative au moins une fois par semaine, contre 51 % des femmes. Parmi les jeunes de 18 à 25 ans, le pourcentage d'hommes utilisant l'IA est de 71 %, contre 59 % des femmes. Il s'agit d'une différence de 12 points de pourcentage, ce qui est considérable.
Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, selon notre degré d’optimisme.
Des statistiques accablantes
Les femmes sont moins susceptibles d’adopter cette nouvelle technologie. Un constat inquiétant puisque, selon une étude d’Oxford Economics et Cognizant, 90 % des emplois seront concernés par l’IA générative d’ici 2032. Plus précisément, entre 2023 et 2032, le pourcentage d’emplois fortement exposés à l’IA pourrait être multiplié par six, passant de 8 % à 52 %.
Un rapport de Goldman Sachs donne une idée plus précise de cet impact selon le type d'emploi et le sexe. Le Kenan Institute a établi que près de 80 % des femmes actives occupent aujourd'hui des emplois exposés à l'automatisation via l'IA générative, contre 58 % des hommes.
Ces emplois occupés par des femmes et impliquant l’automatisation ne seront pas remplacés par l’intelligence artificielle en tant que telle, mais par des personnes qui maîtrisent l’IA. Pour l’instant, il s’agit des hommes. Pour inverser cette tendance, les femmes sont invitées à faire des efforts pour redéfinir ou accroître leurs connaissances et leurs compétences dans ce domaine.
Un autre facteur est encore plus inquiétant. Selon un expert en formation de la plateforme Coursera, les femmes sont sous-représentées dans le développement des compétences liées à l’IA. En effet, trois fois plus d’hommes que de femmes s’inscrivent aux formations en IA les plus populaires sur cette plateforme.
Cela s’explique en partie par le fait que, selon une étude réalisée par Cognizant, les femmes sont moins convaincues que les hommes des bénéfices de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Elles sont en effet moins nombreuses à penser que l’IA générative leur permettra de développer de nouvelles compétences (40 % contre 51 % des hommes), de changer d’emploi (36 % contre 44 %), de créer de nouvelles opportunités (33 % contre 40 %) ou d’augmenter leurs revenus (35 % contre 42 %).
Les femmes sont peu représentées dans ce secteur d'avenir, selon le rapport du Conseil du statut de la femme du Québec intitulé « L'intelligence artificielle : des risques pour l'égalité entre les femmes et les hommes ». Selon ce document, sur les 45 000 postes professionnels en intelligence numérique recensés pour 2021 au Québec, à peine 19 % étaient occupés par des femmes. Une statistique accablante.
Et puis il y a la question de la faible représentation des femmes aux postes de direction dans le domaine de l'intelligence artificielle. Si l'on déplore déjà que les femmes soient généralement sous-représentées aux postes de direction des organisations, ce phénomène est apparemment encore plus marqué dans les domaines des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques, et par conséquent, dans l'IA.
Des opportunités pour les femmes
Mais changeons de perspective à présent. Si nous identifions les opportunités liées à l’intelligence artificielle dans le monde du travail de demain, nous pouvons voir le verre à moitié plein.
Comme nous l'avons évoqué plus haut, ce sont les métiers des femmes qui seront les plus touchés par l'IA générative au cours des prochaines années. Ces domaines offriront les meilleures opportunités de carrière aux femmes si nous trouvons le moyen d'y prendre notre place.
Grâce aux perspectives et aux visions complémentaires que les femmes apportent à ces organisations dominées par les hommes, les femmes peuvent devenir des actrices de changement pour rendre ces nouvelles technologies plus inclusives. Nous pourrions y parvenir en détectant mieux les biais qui influencent la qualité des données produites par les algorithmes ou amplifient la discrimination inhérente à nos sociétés. Cela s’ajoute aux nombreux autres avantages généralement reconnus qu’une plus grande présence féminine apporte aux organisations.
Cette lecture positive de la situation n'est pas une utopie. Elle s'appuie sur les conclusions d'une étude menée par les professeurs Anahita Hajibabaei, Andrea Schiffauerova et Ashkan Ebadi, qui constatent un net changement de la situation au cours des deux dernières décennies.
Selon les mots de la professeure Louise Lafortune, co-auteure du Manifeste pour les femmes dans les STEM :
« Atteindre 30 % ou 50 % de femmes dans un domaine ne signifie pas que tous les autres problèmes ont été résolus. Nous devons continuer à œuvrer pour assurer, entre autres, le bien-être des femmes dans les milieux de travail STEM, que les organisations assurent une bonne intégration des femmes et que les femmes soient encouragées à assumer des rôles de direction. C'est ainsi que les femmes auront de bonnes carrières dans ces domaines très gratifiants. »
De nombreuses recherches ont été menées et publiées sur les difficultés rencontrées par les femmes dans les environnements dominés par les hommes. Directement ou indirectement, ces articles plaident en faveur d'une culture organisationnelle plus inclusive qui favorise davantage le talent féminin et la progression des femmes au sein des organisations.
Avec l’appui des dirigeants d’organisations privées et publiques, les femmes devront adopter des stratégies innovantes et audacieuses pour que l’intégration de l’IA leur permette de maintenir leur élan, et non de l’entraver, sur le chemin sinueux vers la parité.
Les défis liés à la discrimination potentielle inhérente à l’IA ont un caractère éthique qui doit être étudié plus en profondeur. Éviter les effets néfastes de l’IA contribuera à rendre notre société plus juste.